jeudi 22 janvier 2015

Impacts de l'activité minière au Katanga: changements d’occupation du sol et exposition humaine aux métaux

 " La culture Geoscientifique pour tous"

Dans le but de mieux connaître les facteurs d’exposition humaine aux métaux dans la zone minière du
sud Katanga, ce qui pourrait, dans un deuxième temps, aider à déterminer les mesures prioritaires à prendre pour la limiter; cette étude et autres analyses en la matiére portent support considerable et fondamentale.

Les femmes dans les sites miniers (photo de .http://malijet.com/)
Les différents impacts de l’activité minière sur l’environnement et la population ont fait l’objet de nombreuses études, menées dans différents pays. Cependant, la plupart de ces études ont été menées dans des pays développés, qui ont souvent su réduire les risques d’exposition de la population par la législation ou des mesures techniques et qui présentent des situations différentes de celles des pays en voie de développement. Peu de recherches ont été conduites en Afrique sur le sujet de la pollution par les métaux. Concernant le Katanga, aucune donnée n’était disponible concernant la contamination environnementale ou humaine
par les métaux, jusqu’à la mise en place du programme GECO (Geology for an ECOnomic Sustainable Development) il y a quelques années. Une première étude sur l’impact de l’activité minière sur la population, menée dans le cadre de ce projet et en collaboration avec la Katholieke Universiteit Leuven, a montré que
les personnes vivant au Katanga à proximité d’une activité minière (mine ou usine métallurgique) étaient plus exposées à certains métaux (dont le Cu, le Co et l’U) que les personnes vivant au Katanga en dehors de la zone minière (Banza et al., 2009). De plus, au sein de la zone minière, les personnes vivant à moins de 3km d’une activité minière étaient plus exposées au Cu, Co et U que les personnes vivant à une distance plus grande d’une activité minière. Ce mémoire a été réalisé en lien avec le projet GECO, dans le cadre d’un des
deux grands objectifs du projet, à savoir l’étude de l’impact de l’activité minière sur l’environnement et la population au Katanga. La particularité de ce mémoire est l’utilisation d’images satellite dans le but de détecter les changements récents d’occupation du sol liés entre autres à l’activité minière. En effet, la télédétection permet de quantifier et de localiser les changements d’occupation du sol à l’échelle du paysage (Petit et al., 2001). Les caractéristiques spatio-temporelles de ces changements peuvent également être étudiées, à travers des séries temporelles d’images satellite couvrant une même zone. Les données acquises
par télédétection sont ainsi devenues, lors des dernières décennies, la première source de données pour la détection des changements d’occupation du sol (Lu et al., 2003).
Le premier objectif de ce travail était d’identifier et quantifier les changements récents d’occupation du sol, d’origine anthropique, à l’aide d’une série temporelle d’images satellite recouvrant une zone minière du Katanga. Etant donné le peu de données disponibles sur l’activité minière récente au Katanga, le secteur minier artisanal s’étant considérablement développé, l’étude de ces changements devait permettre entre autres d’identifier les sites d’activité minière actifs durant la période d’étude. Le deuxième objectif du mémoire était de confronter ces résultats à des données d’exposition humaine aux métaux relevées
dans la zone d’étude dans le cadre du projet GECO, dans le but d’essayer de déterminer l’importance relative des différents modes de transmission des métaux à l’homme. L’exposition chronique à des métaux tels que le Cu ou le Co, les deux principaux métaux exploités dans la zone d’étude, est documentée
comme ayant des conséquences graves sur la santé. Likasi, situé au sud de la province du Katanga, au centre de ce qui est appelé la « ceinture de Cu », a été choisi comme centre de la zone d’étude (un carré d’un peu plus de 50km de côté). Quatre images satellite, datant de 1973, 1986, 2002 et 2009, couvrant cette zone, ont été retenues pour l’analyse. L’application d’une transformation Tasseled Cap à ces données puis d’une analyse vecteur changement a alors permis de détecter les changements d’occupation du sol
survenus entre 1973 et 1986, 1986 et 2002, ainsi qu’entre 2002 et 2009. Les résultats de la détection du changement montrent que l’activité minière s’est fortement intensifiée dans la zone d’étude entre 1973 et 2009, autant en ce qui concerne la surface de changement concernée que le nombre de sites d’activité minière détectés comme actifs (voir tableau). Etant donné la chute de la production industrielle observée au Katanga à la fin des années 1980 et la stagnation de cette production depuis cette époque, l’augmentation de l’activité minière serait due en grande partie au développement du secteur minier artisanal. L’expansion importante de la ville de Likasi, et celle de Luambo dans une moindre mesure, entre 2002 et 2009, l’émergence et le développement de certains villages essentiellement voués à l’agriculture en périphérie de Likasi entre 1986 et 2009, la régénération de végétation sur certaines parties non exploitées de sites miniers entre 1986 et 2009 et la pollution de deux grandes zones situées en aval d’usines métallurgiques, à l’est de Likasi et au sud-est de Kambove, entre 2002 et 2009, sont les principaux changements d’occupation du
sol révélés par la détection des changements autres que l’activité minière. De manière générale, une augmentation importante de la surface détectée de changement d’occupation du sol de types « défrichement » et « perte de biomasse » est observée entre 1973 et 2009 dans la zone d’étude. Les données d’exposition humaine aux métaux, consistant en des mesures de concentration de certains métaux dans les urines de personnes vivant en six lieux différents de la région d’étude et en un lieu en dehors de la zone minière
(échantillon de contrôle), ont ensuite été comparées en fonction de leur lieu de prélèvement, à l’aide de tests de comparaison de moyenne. Parallèlement, différentes hypothèses concernant l’impact de l’activité minière et les principaux modes de transmission des métaux à l’homme ont été formulées. Les différents
lieux de prélèvement des urines ont alors été comparés selon divers proxys, liés à ces hypothèses et faisant intervenir l’activité minière mise en évidence entre 2002 et 2009 par la détection du changement. L’émergence de relations ou associations entre les résultats des tests de comparaison de moyennes des concentrations de métaux dans les urines et ces proxys mesurés pour chaque lieu de prélèvement des urines, a permis de tester l’importance relative des différents modes de transmission des métaux à l’homme, sous réserve des hypothèses formulées. Le choix a été fait de n’utiliser que les données de concentration dans les urines du Cu, du Co et de l’U.
Les résultats des tests de comparaison de moyennes montrent d’abord qu’à quelques exceptions près, les personnes vivant dans la zone d’étude sont statistiquement plus exposées aux métaux Cu, Co et U que les personnes vivant en dehors. Concernant le Cu et le Co, la pollution de l’eau semble être la principale source d’exposition humaine à ces métaux. Le déversement de polluants provenant des usines métallurgiques semble être la cause principale de la pollution de l’eau dans le cas du Co et du Cu, alors que les activités extractives
contribueraient également à cette pollution dans le cas du Cu. Concernant l’U, les résultats ne sont pas suffisamment clairs pour en tirer des conclusions probantes. Aucune donnée de pollution de l’eau et des sols dans le sud Katanga n’a encore été publiée. Cependant, des études menées en Zambie, sur la ceinture de
cuivre, ont montré que l’activité minière était la cause de pollution importante des sols et de l’eau en métaux (Tembo et al., 2006 ; Petterson & Ingri, 2001). Etant donné le caractère non régulé de l’exploitation minière qui a prévalu pendant plusieurs années en RDC, il est probable que la contamination environnementale
soit similaire voire plus importante dans le sud Katanga (Banza et al., 2009). L’analyse d’échantillons d’eau et de sol prélevés dans le cadre du projet GECO au Katanga, en cours d’analyse, devrait permettre d’évaluer cette pollution. Un prolongement de ce travail serait ainsi d’intégrer ces données dans l’analyse,
pour confirmer ou infirmer les pistes de réflexion développées et les relations entre variables mises en évidence dans ce travail. Des études épidémiologiques ont aussi été engagées dans le but d’examiner les effets, encore peu connus, sur la santé de l’exposition importante aux métaux de la population du sud Katanga (Banza et al., 2009).

Bibliographie

  • Banza et al. (2009). Environmental Research; 109: 745 - 752.
  • Lu et al. (2003). International Journal of Remote Sensing; Vol. 25, No. 12: 2365 - 2407.
  • Petit et al. (2001). International Journal of Remote Sensing; Vol. 22, No. 17: 3435 -3456. 
  • Pettersson & Ingri (2001). Chemical Geology; 177: 399 - 414.
  • Tembo et al. (2006). Chemosphere; 63: 497 - 501.
  • Philippe Malcorps* & Éric Lambin: (Université Catholique de Louvain - UCL)

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