jeudi 6 novembre 2014

Contexte historique de l’industrie du diamant en RDC

Partie 2


La RDC présente l’image d’un vaste territoire immergé dans des problèmes apparemment inextricables. Il suffi t d’en résoudre un pour que d’autres surgissent. D’aucuns sont tentés, d’abandonner ce vaste pays au coeur de l’Afrique d’autant plus que d’autres marchés plus prometteurs s’ouvrent ailleurs, notamment en Europe de l’Est et en Asie. Ce tableau sombre du pays qui a démobilisé les initiatives louables ne date pas d’hier. En effet, les problèmes de la RDC sont en fait liés aux aléas de son histoire, fort mouvementée et de son devenir successif au fi l du temps. Cependant, cette situation n’a pas échappé à la perspicacité de la Société Civile tant Internationale que Nationale et de certaines Institutions internationales.
D’une manière générale, le pays a cessé de paraître exotique et lointain, et rares sont ceux qui ne sont pas convaincus des incidences profondes que la lutte pour le développement du Congo aura sur les habitants de
l’Afrique centrale spécifi quement et du continent d’une façon globale. Nous voulons, dans les lignes qui suivent, esquisser à grands traits quelques faits historiques qui ont émaillé l’industrie de diamant aux Kasaï ; cerner les causes essentielles de leurs échecs dans le processus de développement et fi nalement proposer des stratégies susceptibles à amener la RDC à un développement axé sur la mise en valeur des
ressources minières qui lui sont propres. La prolifération anarchique en Afrique et particulièrement en RDC
des industries extractives est sans nul doute un épiphénomène de la colonisation : « le diamant par exemple n’est plus tabou ». Dans tous les cas, on assiste aujourd’hui à une hausse énorme et incontrôlée des exploitations des différents minerais. Ces mouvements ont des conséquences sociales détestables : abandon des cultures, migration des populations dans des conditions sanitaires déplorables, hausse locale  du coût de la vie, et baisse de la morale (les acheteurs et négociants de diamant ne sont pas de saints), déperditions scolaires, etc..
Ces engouements passionnés sont très diffi ciles à réprimer. Tout au plus essaie-t-on de les contrôler par l’établissement de comptoirs d’achats offi ciels, mais la fraude ne perd jamais ses droits dans un pays qui vit
encore la période douloureuse d’enfantement de la démocratie. Outre le gaspillage de richesses naturelles dilapidées par les exploitations souvent très mal conduites, l’Etat congolais, parfois impuissant, parfois
complice, voit se tarir d’importantes sources de revenus, car, à la différence des sociétés minières, les exploitants artisanaux, pour la plupart, échappent généralement à l’impôt et aux taxes. Aussi, le Processus de Kimberley est venu timidement atténuer cette exploitation illicite.

 De l’Epoque Coloniale

Notre intention à ce niveau d’analyse ne consiste pas à pas exposer toute l’histoire détaillée de l’industrie de diamant au Kasaï au temps de l’Etat Indépendant du Congo (E.I.C). Toutefois, il nous semble utile de rappeler quelques faits importants qui ont émaillé l’activité industrielle de l’époque Belge.
En effet, le mardi 6 novembre 1906, un décret royal a créé la Société Internationale Forestière et Minière du Congo (Forminière). La première exploitation industrielle notable fut assurée par la Forminière, une fi liale
de la Générale de Belgique, laquelle exploite le diamant depuis 19206. Cette société fut plus tard transférée de Tshikapa à Mbuji Mayi où le diamant était exploité à faible profondeur (plus au moins3 mètres).
Selon une légende populaire encore fraîche dans la mémoire collective : « Dans Mbuji Mayi, après chaque pluie on y ramassait des diamants. Aussi, en creusant même dans sa parcelle, les habitants y trouvaient quelques pépites de diamant » (sic)
L’objet de la Forminière était à la fois minier, agricole, commercial, fi nancier et industriel. Il lui était accordé : des droits exclusifs de recherches minières, pendant six ans au sud du 5e parallèle sud, pendant douze ans au nord de cette ligne ; le droit d’obtenir la concession des mines découvertes, à concurrence d’une superfi cie totale de 3.716.700 hectares, dont 2 millions d’hectares au nord du 5e parallèle sud et, en outre, de
vingt mines d’une superfi cie maximum de 10.000 hectares chacune et une concession d’exploitation de terres pour une durée de 99 ans, partant sur une superfi cie totale de 1.100.000 hectares.
Il sied de noter que les décrets, les statuts et les conventions portant création des trois grandes sociétés de 1906 : Union Minière du Haut Katanga, aujourd’hui Gecamines (28 octobre 1906) ; Compagnie du Chemin de Fer du Bas Congo au Katanga (31 octobre 1906) et Société Internationale et Minière du Congo Belge (06 novembre 1906)9, paraissent au moment même où s’engagent, à la Chambre Belge, de longs et passionnés débats au sujet de la reprise du Congo par la Belgique. Au cours des débats, certains orateurs critiquèrent âprement ces grandes concessions accordées pour de longues années et un député s’écrie à la
séance du 7 décembre 1906 : « le souverain du Congo est devenu l’émule,
en même temps que l’associé, de grands chefs de trusts américains ». Cela va sans dire que l’Etat colonial attachait un grand prix au progrès de l’industrie minière. Pour hâter la mise en valeur du sous-sol congolais, il a poussé à la constitution de sociétés puissantes, capables d’engager dans les recherches et dans l’exploitation des capitaux considérables. Cette politique des grandes concessions s’est révélée remarquablement féconde naturellement pour la Belgique (qui est sortie sans dette après la seconde
guerre mondiale) et dans une moindre mesure relativement positive pour les peuples colonisés. En revanche, l’ampleur des abus du régime Léopoldien devint une affaire internationale en 1890. C’est grâce aux critiques ouvertes de G. W. Williams (un noir américain), suivies par celles des missionnaires protestants, principalement britanniques et américains qui commencèrent à rapporter quelques détails des souffrances infl igées par la nouvelle politique économique du colon que les voix s’élevèrent. En 1903, la question des scandales du Congo fut évoquée pour la première fois dans un débat devant le Parlement Britannique11. Celui-ci a hâté la fi n de l’Etat Indépendant du Congo en tant que domaine privé royal. Notons également que les années vingt furent pour le Congo une période de croissance rapide ; l’infrastructure minière, celle des plantations et des transports étaient établies. Le Katanga, qui avait été relié par le rail à l’Afrique du Sud en 1911, devint un pole de développement essentiel à mesure que l’exportation du cuivre prenait un essor rapide. Aussi, deux grandes exploitations de gisements diamantifères furent ouvertes au Kasaï, etc. Tous ces efforts de mise en valeur des ressources naturelles du Congo Belge, créèrent une demande de main-d’oeuvre intense, et le recours au recrutement forcé fut étendu. Les mêmes sources signalent que le nombre des salariés passa de 125.120, en 1920, à 421.953, en 1926. L’impact de cet accroissement était multiplié par le caractère extrêmement bref de la durée d’emploi de la plupart des travailleurs, qui exigeait un réapprovisionnement constant du marché. Des mesures extravagantes furent envisagées, et la population
rurale fut l’objet de recrutement forcé, particulièrement dans les zones minières. Les processus de la décolonisation commencèrent dans les grandes agglomérations comme : Kinshasa (Léopoldville), Kisangani (Stanley ville) et Lubumbashi (Elisabetville) où des groupes appréciables d’africains et alphabétisés commencèrent à s’unir. La principale voie pour atteindre le statut social le plus élevé possible était la prêtrise, en passant par les séminaires, souvent, de l’Eglise catholique. A ce moment, l’élite congolaise naissante ne défi ait pas ouvertement le système colonial ; en réalité, ses revendications étaient centrées sur le traitement inégal dont les congolais instruits étaient victimes. Si l’année 1960, date de l’accession du Congo à l’indépendance, constitue évidemment une charnière importante dans l’histoire de la RDC, il reste
nécessaire de découvrir les mouvements et les tendances sous-jacentes qui conduisirent le pays à sa souveraineté nationale, et ensuite les grandes lignes de l’évolution du Congo Indépendant.

 De l’Indépendance à la chute de Mobutu (30 Juin 1960 à Mai 1997)

En 1961, soit un an après l’accession de la RDC à sa souveraineté nationale, la Minière de Bakwanga, Miba en sigle, exploite le diamant de façon industrielle en remplacement de la Forminière. Sur le permis d’exploitation, sa concession est estimée à 78.000 Km² dont 700 à 1000 Km2 de grand polygone, avec son siège d’exploitation à Mbuji Mayi13. La Miba est une Société Para Etatique où l’Etat détient la majorité des
actions (80 %) et la SIBEKA, fi liale de la Générale de Belgique (20 %). Mais, selon diverses sources, la SIBEKA serait achetée par Mwana Africa, qui serait dorénavant patron de la SIBEKA. Elle exploite le diamant en carrière sur le lit de la rivière Lubilanji et Kanshi avec des dragues, aussi à ciel fermé pour atteindre la couche de Kimberlite sur l’un des fameux douze massifs. A titre de rappel, les produits miniers fournissaient à la RDCongo les deux tiers de ses revenus d’exportation. Il s’agit principalement du cuivre,
du cobalt, du diamant et du zinc. De 1988 à 1993, la production de cuivre est passée de 465.000 tonnes à 48.400, celle du zinc, de 47.300 à 4.200, et de cobalt, de 10.000 à 2.40014. Seul le diamant faisait exception avec une production fl uctuant entre 13 millions et 18 millions de carats selon les
années durant cette période Il est vrai qu’au-delà de chiffres très approximatifs, le caractère artisanal
de la production du diamant et ses facilités de commercialisation laissent beaucoup plus de souplesse à ce secteur.
En 1993, la RDC, jadis République du Zaïre a perdu sa position de premier producteur de cobalt mais conservait encore le deuxième rang dans le domaine du diamant industriel. En dehors du gisement de Miba,
la production a été privatisée en 1983. Des licences ont été accordées à des cartels, dont le principal, Sediza, appartient à la De Beers. Toutefois, une grande partie était exploitée en dehors de tout contrôle. On estime généralement que la quantité écoulée en contrebande égale celle de la production offi cielle malgré les mesures prises en son temps pour lutter contre les exportations illégales

 De la chute de Mobutu : Mai 1997 en Octobre 2007)

Dans un passé récent, la Miba a signé des contrats de partenariat avec beaucoup d’entreprises notamment DE BEERS, B.H.P. BILLITON, qui présentement, sont dans la phase de prospection. A part la Miba, une deuxième société d’exploitation industrielle de diamant mérite d’être signalée. Il s’agit de la Minière de Senga-Senga- Kamisangi (Sengamines). A l’origine cette société avait été créée dans le cadre de l’effort de guerre. La Sengamines fut créée le 29 août 2000, entre la RDC et ses partenaires Zimbabweens, venus secourir les Forces Armées de la RDC, en guerre contre ses voisins Ougandais et Rwandais.
Dans le cadre de l’effort de guerre, l’allié de la RDC, le Zimbabwe a une seule alternative : disposer des capitaux frais pour assister un partenaire en proie à la guerre d’occupation. La nouvelle fi rme va obtenir une partie des concessions de la Miba, dont le littoral de la rivière Senga-Senga à Bena Mulumba, pour l’exploitation alluvionnaire et toute la vallée kimberletique de Tshibwe dans le territoire de Miabi17. Ces deux gisements étaient estimés à une valeur de 1.63 milliards de dollars américains. La Sengamines a été mise en place par une convention minière du 29 août 2000. Dans son article 5, alinéa 2 des statuts notariés le 07 décembre 2000, les actionnaires sont : Olseg Zimbabwe 49 %, Comex 50 % et l’Etat congolais 0,6 % et autres 0,4 %. Son siège social est à Boya, Localité située à 50 Kms de Mbuji Mayi. En mars 2005, la Sengamines a mis la clé sous le paillasson. Offi ciellement, c’est pour raison de rupture de stock de carburant18 que la Sengamines a mis fi n à ses activités, mais les raisons réelles sont à chercher dans l’art de
la gestion orthodoxe d’une entreprise de ce genre. A titre indicatif, dans le secteur industriel, la production de la Miba a crû en 2003 pour atteindre 6,8 millions de carats évalués à 102 millions de dollars américains. Cette production représente une augmentation de 27 % de volume et de 42 % de la valeur par rapport à l’année 200219. De manière plus explicite, entre les années 1983 et 2002, pendant plus au moins 20 ans, sur 368.464.663 carats de diamant vendus pour une valeur moyenne de 5.506.128 de dollars américains, l’artisanat minier et la petite mine ont produit 242.961.728 carats pour une valeur de 4.116419.880
dollars américains, soit 66 % en carat et 75 % en valeur, contre 34 % et 25 % en valeur pour l’exploitation industrielle20. La Sengamines, quant à elle, ayant exporté pour 5 millions des dollars jusqu’à la fi n de l’année 2002, a vu sa production croître en 2003, avec une exportation de plus de 16 millions de dollars.
De tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la production de diamant dans Mbuji Mayi est une réalité indéniable, quand bien même les statistiques sont à prendre avec toutes les réserves d’usage dans la
mesure où la sous-estimation et la contrebande sont monnaie courante dans ce secteur. Dès lors, une question mérite d’être soulevée : où va le peu d’argent que le diamant génère ? En observant de près la ville de Mbuji Mayi, on est tout de suite frappé  l’intensité des mouvements sur les sites diamantifères, autour des
comptoirs et de multiples marchés de diamants. On est également attiré par les différents chantiers des constructions : les bâtiments privés y poussent comme des champignons. Même impression en y voyant les
véhicules luxueux qui y circulent.
A ces signes qui peuvent être qualifi és de positifs parce qu’ils montrent que l’argent circule réellement dans la ville diamantifère s’ajoutent d’autres réalités plus attristantes. Il s’agit de la pauvreté extrême de la population dans sa majorité, la famine au sein de cette même population,21 le manque d’eau et d’électricité dans une grande partie de la ville, les pratiques et comportements ostentatoires, etc. Ainsi, la richesse de Mbuji Mayi n’est qu’un mirage. Les causes à l’origine de cet état de choses peuvent se résumer comme suit : la pratique d’une économie de prédation héritée de la colonisation belge et qui poursuit son
bonhomme de chemin avec les acteurs en présence (sociétés minières, comptoirs agréés, négociants, autorités politiques) ; absence d’une politique globale de développement du pays et de la Province en particulier qui prenne en compte le diamant comme ressource à capitaliser ; manque d’encadrement effi cace des mineurs artisanaux ; absence d’un cadre normatif incitateur qui puisse motiver et promouvoir une classe moyenne ; insuffi sance des capacités et compétences en matière de management des affaires dans le chef de diamantaires ; méfi ance et confl its entre diamantaires (possédant d’énormes avoirs) peu instruits en majorité et les détenant du savoir. En défi nitive, dans l’espace diamantifère du Kasaï, on trouve six groupes qui ont les mêmes intérêts (gain d’argent) mais, affi chent une attitude concurrentielle. Au niveau de l’élaboration des stratégies, la divergence demeure. Les trois derniers acteurs qui évoluent dans le secteur ont pour responsabilité le développement des communautés. Mais hélas, la réalité en est tout autre sur le terrain.
Dans tous les cas, on assiste à une hausse énorme et incontrôlée de la production kasaïenne de diamant, jusqu’à l’épuisement des zones les plus riches (le diamant est une ressource non renouvelable), l’exemple du
Brésil en dit long. Les « diamineurs » qui vivent misérablement dans ces coins du pays sont satisfaits de teneurs très faibles et d’un profi t infi me… toujours dans l’espoir et dans la recherche de la découverte d’une belle pierre qui les enrichira (très provisoirement du reste).
...
Fonte: www.sarwatch.org

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire